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12 octobre 2007

Le Bubishi

Au moins depuis le 19e siècle, parmi les pratiquants de Karaté de l’île d’Okinawa, se transmet un traité de boxe chinoise intitulé :

武 備 志
Wubei zhi (en chinois)
Bubishi (en japonais)
Les « Annales de la préparation au combat ».

Son texte précise qu’il provient de la « Boxe de la grue blanche de (la ville de) Yongchun » (永春白鶴拳, Yongchun baihe quan), une boxe particulièrement répandue dans le Sud de la Chine.

Bien qu’il porte quasiment le même nom, ce traité ne doit pas être confondu avec le « Nouveau livre de la préparation au combat » (武備新書, Wubei xinshu) dont le contenu est complètement différent.

Le Bubishi a eu, et a toujours, une grande influence, tant sur le Karaté d’Okinawa, que sur celui du Japon (voir : The Bible of Karate - Bubishi, de Patrick McCarthy, Tuttle Martial Arts, Etats-Unis, 1995 ; Bubishi à la source du Karaté, de Roland Habersetzer, Budo éditions, 2007 ; Karaté d’Okinawa - les sources du Fujian, de Lionel Lebigot, 2007). Gichin Funakoshi (1868-1957), le pionnier du Karaté au Japon, s’y référait.

Il nous a semblé intéressant de tenter une traduction inédite du chant le plus connu de ce Bubishi, à la lumière des textes et chants traditionnels chinois et plus particulièrement de ceux provenant du Yongchun baihe quan, la boxe dont il émane. Les traductions proposées jusque-là avaient plutôt été réalisées dans le contexte du Karaté et de la culture okinawaïenne, voire japonaise.


Pour cette traduction, nous nous sommes spécialement appuyés sur les ouvrages suivants :
¨ 渾元劍經, Hunyuan jianjing, de Bi Kun, écrit au 14e siècle.
¨ 紀效新書, Jixiao xinshu, Qi Jiguang, publié pour la première fois en 1562.
¨ 永春白鶴拳, Yongchun baihe quan, de Hong Zhengfu, Lin Yinsheng et Su Yinghan, édité par Renmin tiyu chubanshe, Beijing, 1990.
¨ 白鶴拳家正法, Baihe quanjia zhengfa, de Lin Dong (vivant sous le règne de Qian Long : 1736-1796) avec les commentaires de Su Yinghan et Su Junyi, édité par Yiwen chuban youxian gongsi, Taibei, 2004.
¨ 白鶴仙師祖傳真法, Baihe xianshi zuzhuan zhenfa, d’auteur inconnu (datant des Qing) avec les commentaires de Su Yinghan et Su Junyi, édité par Yiwen chuban youxian gongsi, Taibei, 2004.
¨ 桃源拳術, Taoyuan quanshu, de Xiao Boshi (vivant sous le règne de Qianlong) avec les commentaires de Su Yinghan et Su Junyi, édité par Yiwen chuban youxian gongsi, Taibei, 2004.
¨ 方七娘拳祖, Fang Qiniang quan zu, d’auteur inconnu (datant des Qing) avec les commentaires de Su Yinghan et Su Junyi, édité par Yiwen chuban youxian gongsi, Taibei, 2004.
¨ 永春鄭禮叔教傳拳法, Yongchun Zheng Li shu jiaozhuan quanfa, d’auteur inconnu (début des Qing) avec les commentaires de Su Yinghan et Su Junyi, édité par Yiwen chuban youxian gongsi, Taibei, 2004.
¨ 自述切要條文, Zi shu qieyao tiaowen, de Zheng Qiao (vivant sous le règne de Qian Long, de la 5e génération du Yongchun Baihe) avec les commentaires de Su Yinghan et Su Junyi, édité par Yiwen chuban youxian gongsi, Taibei, 2004.
¨ 中國古文大辭典, Dictionnaire classique de la langue chinoise, F. S. Couvreur, Kuangchi Press, 1966.
¨ 漢法綜合辭典, Dictionnaire français de la langue chinoise, Institut Ricci, Taibei-Paris, 1986.
¨ 漢語大字典, Hanyu da zidian, Hubei-Sichuan, 1993.


Voici cette nouvelle traduction :


拳 法 之 大 要 八 句
Quanfa zhi da yao ba ju
« L’essentiel de la boxe en huit sentences »



人 心 同 天 地
Renxin tong tiandi
« Le cœur de l’homme (est en) harmonie (avec) le ciel et la terre »

Remarques : Renxin signifie le « cœur de l’homme », le « sentiment », l’« esprit », l’« attention ».

Tiandi désigne « le ciel et la terre » et a donc le sens de « monde ».

Aussi on peut traduire, plus prosaïquement, par :
« La conscience (est) à l’écoute du monde (qui nous entoure, prête à faire face à toute situation) »

Cette première sentence traite donc de l’état de conscience du combattant.


血 脈 似 日 月
Xuemo si ri yue
« La circulation du sang (est) comme le soleil et la lune »

Remarques : Le corps est relâché, toutes ses parties sont, sans cesse, bien reliées entre elles.

Alors que les cinq premiers caractères insistaient sur la nécessité que l’esprit soit prêt, les cinq suivants demandent à ce que le corps soit également prêt.


法 剛 柔 吞 吐
Fa gang rou tun tu
« La méthode (est d’utiliser) la dureté et la souplesse et le Tun et le Tu »

Remarques : Le Gang et le Rou (la dureté et la souplesse) sont à la fois une recommandation biomécanique et stratégique.
C’est un concept très ancien que l’on retrouve aussi bien dans les boxes du Nord (Shaolin quan 少林拳, Taiji quan 太極拳, Changjia quan 萇家拳, Xinyiliuhe quan 心意六合拳, Tanglang quan 螳螂拳, etc.), que dans celles du Sud (Yongchun quan 詠春拳, Hongjia 洪家, Baimei 白眉, etc.)
Biomécaniquement, il s’agit de se mouvoir souplement, tel un félin, et de n’employer la force qu’à l’instant précis où cela est absolument nécessaire. Le style Chen du Taiji quan, où l’évolution souple du pratiquant est ponctuée de brusques mouvements explosifs, en est une bonne illustration.
Stratégiquement, le Gang et le Rou peuvent se décliner de deux manières. Tantôt, il s’agit de vaincre la faiblesse par la force, en attaquant le point faible adverse ; tantôt, il s’agit de vaincre la force par la souplesse, en empruntant la force adverse.

Or, le moteur du Gang et du Rou est le Tun tu.
Au premier abord, on peut être tenté de traduire Tun tu seulement par : « inspirer et expirer » ; Tun voulant dire « avaler », « engloutir », « détruire » et Tu « cracher », « émettre », « dévoiler ».
Mais, cette respiration est liée à la biomécanique du corps. Tun, c’est se recroqueviller, par exemple pour contrer une attaque, en la bloquant. Et Tu c’est se détendre, tel le tigre qui bondit sur sa proie.
Pour cela, la colonne vertébrale est employée comme un ressort (nous avons détaillé cela dans Taiji Quan, Art martial ancien de la famille Chen, p114). Les deux mouvements Tun et Tu forment un couple dont chacun est l’élan de l’autre...
Tun tu est aussi une notion que l’on retrouve en Chine, du Nord au Sud. L’expression complète est souvent : « Tun et Tu (comme pour) sortir de l'eau (ou) s'enfoncer » (吞吐浮沉, Tun tu fu chen).
Tu surprend l’adversaire, tel le dragon qui surgit des eaux troubles du marais.

Il ne faut pas en conclure que Tun soit un mouvement invariablement souple (Rou) et Tu forcément dur (Gang). La biomécanique traditionnelle martiale chinoise est bien plus riche que cela.

Avec cette troisième sentence, nous entrons de plein pied dans la stratégie du combat...


身 隨 時 應 變
Shen suishi yingbian
« Le corps réagit selon les circonstances »

Remarques : Suishi veut tout autant dire « à tous moments », que « selon les circonstances ».

Yingbian a le sens de « parer à toute éventualité » en « s’adaptant aux circonstances ».
L’expression est déjà présente dans l’œuvre du chevalier Bi Kun (畢坤) (14e siècle). Et deux siècles plus tard, le général Qi Jiguang (戚繼光) (1528-1588) recommande d’« Avancer soudainement en s’adaptant aux circonstances » (一霎步隨機應變, Yi sha bu sui ji yingbian).

Car le bon combattant n’applique pas systématiquement des recettes toutes préparées. Bien qu’il connaisse parfaitement la stratégie, qu’il s’y soit longuement entraîné, il s’adapte afin de trouver la meilleure réponse au cas particulier qui surgit.


手 逢 空 則 入
Shou feng kong ze ru
« (Dès que) la main rencontre le vide alors (elle) entre »

Remarque : La « Porte vide » (空門, Kong men) est une expression usuelle du Yonchun baihe quan.
Cette « Porte vide » n’est autre que la « Porte ouverte », principe stratégique fondamental de l’art martial chinois (sur cette Porte ouverte, voir :
http://wenwu.blogspirit.com/archive/2006/11/28/la-porte-c...).


馬 進 退 離 逢
Ma jin tui li feng
« Le déplacement (s’effectue) en avançant ou en reculant et en s’éloignant ou en s’approchant »

Remarques : Ici, nous pensons que le Bubishi présente une erreur de transcription. En effet le caractère Ma (碼, « poids de balance ») ne se comprend guère dans ce contexte. En revanche, si on lui substitue son homophone Ma (馬, « cheval », mais aussi dans le milieu des arts martiaux du Sud de la Chine : « déplacements de jambes »), le texte redevient cohérent. Nous avons donc corrigé le caractère Ma, dans notre traduction.

Le sens de ces cinq caractères semble anodin à une première lecture, comme plus haut pour les deux caractères Tun tu.
En réalité, ils cachent une notion stratégique capitale : la maîtrise de l’espace et du temps, sur laquelle il y aurait beaucoup à dire.


目 要 觀 四 面
Mu yao guan si mian
« Les yeux doivent regarder (vers) les quatre côtés »

Remarque : Simian signifie de « tous côtés ».


耳 能 聽 八 方
Er neng ting ba fang
« Les oreilles écoutent (dans) les huit directions »

Remarque : Bafang désigne à la fois « les quatre points cardinaux et les quatre points collatéraux ».

Ainsi le chant se conclut par deux sentences sur l’attention et la vigilance. Avec les deux premières, elles forment un groupe de quatre sentences qui encadrent les quatre autres du milieu, ces dernières étant plus mécaniques et plus tactiques.



Ce chant pentasyllabique présente donc, en quarante caractères, un résumé de la biomécanique et de la stratégie de la boxe chinoise.



Pour contrôler que l’interprétation, que nous proposons ici, s’inscrit dans le contexte socioculturel du Yongchun baihe quan, on peut la confronter à un manuscrit du 18e siècle : le Baihe quanjia zhengfa (白鶴拳家正法) :


眼 觀 四 面
Yan guan simian
« Les yeux regardent (vers) les quatre côtés »

耳 聽 八 方
Er ting bafang
« Les oreilles entendent (dans) les huit directions »

[...]

逢 剛 則 柔
Feng gang ze rou
« (On) rencontre le dur alors (on est) souple »

逢 柔 則 剛
Feng rou ze gang
« (On) rencontre le souple alors (on est) dur »

遇 空 則 入
Yu kong ze ru
« (On) rencontre le vide alors (on) entre »

遇 門 則 過
Yu men ze guo
« (On) rencontre une porte alors (on la) franchit »

[...]

必 須 內 用 吞 吐 浮 沉
Bi xu nei yong tun tu fu chen
« Il est nécessaire à l’intérieur (d’) utiliser le Tun et le Tu (comme pour) sortir de l'eau (ou) s'enfoncer »

外 用 剛 柔 相 濟 之 變 化
Wai yong gangrou xiangji zhi bianhua
« (Et) à l’extérieur (d’) utiliser la complémentarité de la dureté et de la souplesse (pour) parvenir à se transformer »



© Traduction T. Dufresne, J. Nguyen, 2007.

23 janvier 2007

Un ancien traité de Taiji Quan

Le Taiji Quan lun est un des traités les plus fameux de Taiji Quan. Ce texte a été découvert au milieu du 19e siècle par Wu Chengqing, frère aîné de Wu Yuxiang (1812-1880). Il est attribué à un certain Wang Zongyue (fin du 18e siècle).

En voici une traduction nouvelle, plus littérale que littéraire...




 

太 極 拳 論

Taiji Quan lun

« Traité de Taiji Quan »





 

太 極 者 , 無 極 而 生 , 動 靜 之 機 , 陰 陽 之 母 也 。

Taiji zhe, wuji er sheng, dongjing zhi ji, Yinyang zhi mu ye.

« Qu’est-ce que le Taiji ? (Il) naît du Wuji, (il est) le mécanisme du mouvement et de l'immobilité, (il est) la mère du Yin et du Yang. »


Remarques : Le Wuji, principe philosophique chinois, symbolise le néant, l’indéfini. C’est ce qui précède l’engagement, le combat.

Dès que les mains sont en contact, les deux opposants forment un Taiji.

L’attente précède l’attaque, comme l’immobilité précède le mouvement.

Ji, que nous avons traduit ici par mécanisme, a aussi le sens de moteur, de secret et de stratagème.

Est-il utile d’ajouter que le Yin complète le Yang pour former un Taiji, de même que la défense de l’un complète l’attaque de l’autre sans s’y opposer ?




 

動 之 則 分 , 靜 之 則 合 。

Dong zhi ze fen, jing zhi ze he.

« (Si on) bouge alors (on est) séparé, (si on est) immobile alors (on est) uni. »

Remarques : L’expert est immobile (Jing), comme une araignée sur sa toile, à « l’écoute » de sa proie, en contact (He) avec elle. Dès que l’adversaire attaque, il se dévoile...

Sunzi (fin 5e-début 6e av. J-C), le plus grand stratège chinois, dans son Art de la guerre (Bing fa 兵法), recommandait : « Partir en dernier, arriver en premier » (Hou ren fa, xian ren zhi 後人發,先人至).

Les Budokas japonais écrivent plus simplement : « (Partir) après (arriver) avant » (Go no sen).

Sunzi ajoutait : « Pour être un bon stratège, (il faut) d’abord ne pas se laisser vaincre, ensuite attendre l’adversaire pour le vaincre » (Xi zhi shan zhan sheng zhe, xian wei bu ke sheng, yi dai di zhi ke sheng 昔之善戰者,先為不可勝,以待敵之可勝).

Au 16e siècle, Li Liangqin, spécialiste de la lance, professait de : « Garder l’immobilité (pour) attendre le mouvement » (Yi jing dai dong 以靜待動). Son élève, le général Yu Dayou (1503-1579), enseignait lui aussi cette Attente (Dai 待).

L’attente se retrouve également dans la « Boxe interne » (Neijia Quan), dans le Taiji Quan de la famille Chen, ainsi qu’à Shaolin. La famille Liu, qui s’adonne à la boxe de Shaolin depuis plusieurs générations, précise : « Occuper la porte centrale (et) attendre l’adversaire » (Caiding zhongmen dai di 踩定中門待敵).

Cette attente (Tai selon la prononciation On japonaise) est également connue des experts de sabre japonais. Akira Kurosawa (1910-1998) l’a notamment mise en scène dans ses Sept samouraïs (Shichinin no samourai). Lors d’un duel au bokken puis au sabre, le meilleur bretteur de la bande, Kyuzo (joué par Seiji Miyaguchi), attend l’attaque de son adversaire.

On ne sera pas étonné que l’Attente (Tai) des sabreurs japonais s’écrive avec le même caractère que l’Attente (Dai) de Sunzi, de Li Liangqin, de Yu Dayou, du Shaolin Quan, du Taiji Quan et du Neijia Quan...




 

無 過 不 及 , 隨 曲 就 伸 。

Wu guo bu ji, sui qu jiu shen.

« Sans précéder ni être en retard, (je) suis la flexion (ou) l’extension (de l’autre). »

Remarques : Si l'adversaire se replie, alors on s’étend. S’il s’étend, on se replie. On suit souplement son mouvement, en collant à lui.

Le « Canon de la boxe » (Quanjing), chant du Taiji Quan de la famille Chen détaille : « (Je) laisse faire, (je suis) la flexion (ou) l’extension, l’adversaire ne (peut) comprendre ; m’approchant et l’entourant je me conforme complètement à lui » (Zong fang qu shen ren mo zhi, zhu kao chan rao wo jie yi 縱放屈伸人莫知,諸靠纏繞我皆依).

Chen Changxing (1771-1853), expert de cette même famille, dans ses « Dits sur les règles de l'application martiale » (Yongwu yaoyan 用武要言), résume : « S’accorder (à) l’adversaire, le prendre comme guide » (Yu di yi de ren wei zhun 遇敵以得人為準).

Cette idée est déjà présente chez le général Yu Dayou, grand connaisseur de l’art du bâton : « Suivre le mouvement de l'adversaire, (pour) emprunter la force de l’adversaire » (Shun ren zhi shi, jie ren zhi li 順人之勢,借人之力).

Cela peut surprendre, mais cette idée est tout aussi présente dans le Shaolin Quan. C'est la Force cotonneuse (Mianjing 綿勁), citée par le « Canon de la boxe de Shaolin » (Shaolin quanpu 少林拳譜).




 

人 剛 我 柔 謂 之 走 , 我 順 人 背 謂 之 黏 。

Ren gang wo rou wei zhi zou, wo shun renbei wei zhi nian.

« Il (est) dur je (suis) souple (cela) se nomme se dérober, je suis (derrière) son dos (cela) se nomme coller. »

Remarques : On ne s’oppose pas à la poussée, on y cède.
On ne quitte pas l’adversaire, on le suit comme son ombre, comme si on poursuit un fuyard.




 

動 急 則 急 應 , 動 緩 則 緩 隨 。

Dong ji ze ji ying, dong huan ze huan sui.

« (Il) bouge vite alors (je) réagis vite, (il) bouge lentement alors (je) réagis lentement. »

Remarque : Si l’adversaire tire ou pousse lentement, il est dangereux d’essayer de le contrer immédiatement, car il peut utiliser alors notre force.

Il faut plutôt attendre, en l’obligeant à se révéler. Le singe ne cueille pas un fruit vert.


 

雖 變 化 萬 端 , 而 理 唯 一 貫 。

Sui bianhua wanduan, er li wei yiguan.

« Bien qu’ (il y ait) dix mille manières de transformer (l’attaque adverse), (il n'y a qu’) un seul principe (qui les) relie (toutes). »

Remarques : Yiguan littéralement est le fil qui relie les perles, ces perles étant bien sûr les dix mille manières. Yiguan symbolise le principe unique qui régit les réactions du stratège.



 

由 著 熟 而 漸 悟 懂 勁 , 由 懂 勁 而 階 及 神 明 。

You zhu shu er jian wu dongjing, you dongjing er jie ji shenming.

« Avec l'entraînement (on) arrive peu à peu à la compréhension du Dongjing, avec le Dongjing (on) parvient graduellement à la clarté divine. »

Remarques : Dans une première étape, on comprend les attaques adverses ; dans une seconde étape, cette compréhension gagne tout l’être en profondeur.

Le Dongjing est la « Force qui comprend » les mouvements de l’opposant.

La Clarté divine (Shenming) est l’état de conscience où l’esprit (Shen) devient parfaitement lucide (Ming).

 

 

然 非 用 力 之 久 , 不 能 豁 然 貫 通 焉 。

Ran fei yongli zhi jiu, buneng huoran guantong yan.
« C’est pourquoi (il faut s’exercer) longtemps (à) ne pas utiliser la force, (car on) ne peut comprendre tout cela rapidement. »

 

Remarque : Lorsque tout un chacun est poussé, son réflexe est de résister... et le plus puissant des deux antagonistes l’emporte.
L’expert, lui, s’entraîne à ne pas s’opposer, afin d’emprunter la force adverse.

 

 

虛 領 頂 勁 , 氣 沉 丹 田 , 不 偏 不 倚 , 忽 隱 忽 現 。

Xu ling ding jing, qi chen Dantian, bupian buyi, huyin huxian.
« Souplement diriger la force vers le haut, descendre l’énergie dans le Dantian, sans se pencher ni s’appuyer (sur l’adversaire), soudain on cache, soudain on montre. »

 

Remarques : L’historien Tang Hao 唐豪 (1896-1959) a remarqué que tout le début de ce traité était inspiré par un texte philosophique de Zhou Dunyi 周敦頤 (1017-1073) paru en 1757 dans « Les œuvres complètes de Maître Zhou » (Zhouzi quan shu 周子全書).
Voici ces passages : « (D’abord) le Wuji puis le Taiji... le Taiji engendre le Yin et le Yang... sans le précéder ni être en retard... sans s’écarter ni dévier... le Yang est le mouvement et le Yin est l’union (He), (c’est) pourquoi le jour Yang est changeant et le jour Yin est uni (He)... le Yin et le Yang ne sont pas séparables, mutuellement (ils) s’harmonisent merveilleusement » (Wuji er Taiji 無極而太極... Taiji sheng Yinyang 太極生陰陽... wu guo bu ji 無過不及... bu pian bu yi 不偏不倚... Yang zhu dong er Yin zhu he, gu Yang yue bian Yin yue he 陽主動而陰主合 , 故陽曰變而陰曰合... Yinyang bu xiang li, you you xiangxu xianghu zhi miao 陰陽不相離 , 又有相須相互之妙).

Le buste est décontracté mais vertical (Xu ling ding jing), le centre de gravité est bas (Qi chen Dantian).
Le Champ de cinabre (Dantian), foyer de l’Energie (Qi), se trouve dans le ventre, à quelques centimètres sous le nombril. Ce point correspond au centre de gravité. Biomécaniquement, le Dantian est un endroit où l’on va recevoir et amplifier l’énergie cinétique...

On ne peut rester immobile à attendre l’adversaire, que si l’on est parfaitement équilibré. C’est-à-dire que le buste est droit, que la tête est droite, que le centre de gravité est bas et que l’aplomb de ce dernier tombe au centre de notre polygone de sustentation. On doit toutefois rester souple, pour pouvoir réagir promptement à l’attaque.
De plus, maintenir le buste droit permet de pivoter aisément sur notre axe vertical de rotation (l’axe qui passe par le sommet de notre crâne, notre tronc et notre centre de gravité), telle une roue horizontale.

L’expert attend l’attaque, immobile, rien ne trahit ses intentions. Le ciel semble serein. L’assaillant passe à l’offensive, il est aussitôt surpris par un coup de tonnerre qui déchire le ciel...

 

 

左 重 則 左 虛 , 右 重 則 右 杳 。

Zuo zhong ze zuo xu, you zhong ze you yao.
« (Il exerce) une pression à gauche (je) vide la gauche, (il exerce) une pression à droite (je) vide la droite. »

 

Remarques : Ceci est l’équivalent de la stratégie fondamentale de l’art de la lance : si un assaillant attaque avec la technique Lan (mouvement dans le sens des aiguilles d’une montre, afin de presser latéralement), on répond immédiatement par la technique Na (mouvement dans le sens inverse des aiguilles d’une montre). S’il attaque avec Na, on répond par Lan.
Bref, si l’adversaire presse sur le côté, au lieu de lui résister, on cède, pour presser dans le même sens que lui. L’adversaire, perdant brusquement le point d’application de sa force, se trouve emporté par sa propre énergie cinétique.

L’entraînement à la stratégie de la lance est souvent illustré dans les films de Liu Jialiang (né en 1935), à la fois pratiquant de Hongjia et réalisateur de Hongkong. Liu Jialiang a eu les honneurs des Cahiers du cinéma en 1984.
Dans son film Lu Acai et Huang Feihong (Lu Acai yu Huang Feihong, distribué en France sous le titre du Combat des maîtres), le jeune Huang Feihong (interprété par Liu Jiahui), sous la direction de Lu Acai (joué par Chen Guantai), s’entraîne inlassablement, avec la pointe de sa lance, à tourner autour d’un frêle bol tenu verticalement, en essayant de ne pas le casser...

 

 

仰 之 則 彌 高 , 俯 之 則 彌 深 。

Yang zhi ze migao, fu zhi ze mishen.
« (S’il) presse vers le haut alors (je l'emmène encore) plus haut, (s’il) presse vers le bas alors (je l'amène encore) plus bas. »

 

Remarques : Ce couple Yang/Fu (presser vers le haut ou vers le bas) fait partie du vocabulaire traditionnel des arts martiaux chinois.
Cheng Chongdou (1561-1636), dans sa pratique de la lance, oppose la main en supination (Yangshou 仰手), à celle en pronation (Fushou 覆手), le caractère Fu (tourner) étant homophone de celui utilisé dans le Taiji Quan lun.
En Bagua Zhang, existe aussi la paume qui presse vers le haut (Yangzhang 仰掌) et celle qui presse vers le bas (Fuzhang 俯掌), avec, cette fois-ci, le même caractère Fu qu’ici.

 

 

進 之 則 愈 長 , 退 之 則 愈 促 。

Jin zhi ze yuchang, tui zhi ze yucu.
« (S’il) avance alors la distance (qui nous sépare) augmente, (s’il) recule alors la distance (qui nous sépare) diminue. »

 

Remarques : On adhère sans force. Si l’opposant tente d’augmenter la pression, en appuyant davantage, il n’y arrive pas, car on cède. S’il veut s’éloigner pour se décoller, il n’y arrive pas non plus, car on colle.

Les trois phrases précédentes, de 10 caractères chacune, traitent successivement des trois dimensions spatiales (gauche/droite, haut/bas, avant/arrière).

Les 30 derniers caractères, que nous venons de traduire, rappellent un passage du traité d’épée du chevalier Bi Kun 畢坤 (14e siècle).

 

 

一 羽 不 能 加 , 蠅 蟲 不 能 落 。

Yi yu buneng jia, yingchong buneng luo.
« Une plume ne peut s’ajouter, une mouche ne peut se poser. »

 

Remarque : Les mains réagissent avec sensibilité à la pression adverse. La réaction est mesurée à l’action.

 

 

人 不 知 我 , 我 獨 知 人 。

Ren buzhi wo, wo duzhi ren.
« Il ne me connaît pas, je suis seul à le connaître. »

 

Remarque : Selon l’ « Entretien entre (l’empereur) Tang Taizong et Monsieur Li Wei » (Tang Taizong Li Wei gong wendui 唐太宗李衛公問對), l’un des sept traités classiques de la stratégie chinoise : « Le bon stratège commence par ne point se laisser deviner, ainsi l’adversaire se trompe. » (Shan yong bing zhe, xian wei bu ke ce, ze di guai qi suo zhi ye 善用兵者,先為不可測,則敵乖其所之也).

La Force qui comprend (Dongjing) cherche, bien entendu, à ne pas être comprise...

 

 

英 雄 所 向 無 敵 , 蓋 皆 由 此 而 及 也 。

Yingxiong suo xiang wudi, gai jie youci er ji ye.
« Le héros tend à être invincible, grâce à tout ce qui a été dit plus haut (on y) parvient. »

 

Remarque : Il s’agit d’une allusion à l’aphorisme célèbre du stratège Sunzi : « Se connaître et connaître l’autre, alors cent combats sans défaite » (Zhi bi zhi ji, baizhan budai 知彼知己,百戰不殆).

 


 

斯 技 旁 門 甚 多 , 雖 勢 有 區 別 , 概 不 外 壯 欺 弱 , 慢 讓 快 耳 。

Si ji pangmen shenduo, sui shi you qubie, gai buwai zhuang qi ruo, man rang kuai er.
« Les techniques (des arts martiaux) sont innombrables, (et) bien qu'elles soient différentes, elles ne font pas exception (au fait que) le fort domine le faible, (que) le lent soit dominé par le rapide. »

 

Remarque : Ceux, qui ignorent la Force qui comprend (Dongjing), ne font que comparer leur force et leur vitesse ; le plus puissant et le plus véloce l’emportant sur le moins vif et le plus chétif.

 

 

有 力 打 無 力 , 手 慢 讓 手 快 , 是 皆 先 天 自 然 之 能 , 非 關 學 力 而 有 為 也 。

You li da wu li, shou man rang shou kuai, shi jie xiantian ziran zhi neng, fei guan xue li er you wei ye.
« (Lorsque) le fort bat le faible, (que) la main lente est dominé par la main rapide, cela (n)’est (qu’une) capacité innée, (qui) n'a rien à voir avec l'apprentissage de la force (raffinée). »

 

Remarque : L’auteur oppose la force brute, innée, à la force raffinée qui est le résultat d’un apprentissage et d’une compréhension profonde.

 

 

察 四 兩 撥 千 斤 之 句 , 顯 非 力 勝 , 觀 耄 耋 能 禦 眾 之 形 , 快 何 能 為 。

Cha Si liang bo qian jin zhi gou, xian fei li sheng, guan maodie neng yu zhong zhi xing, kuai he neng wei.
« (Si l'on) examine le dicton "quatre liang l'emportent sur mille livres", (il est) manifeste (que) le faible gagne, (d’ailleurs quand on voit) un vieillard tenir tête à une foule, est-ce grâce à la vitesse ? »

 

Remarques : 4 liang correspondent à 500 grammes, c’est-à-dire à mille fois moins que 1 000 livres.
Lorsque 4 liang l'emportent sur 1 000 livres, un gouffre s’ouvre brusquement sous les pieds de l’adversaire qui tombe emporté par son propre élan.
Un vieillard, malgré les ans, est capable de : « Pousser un bateau dans le sens du courant » (Shun shui tui zhou 順水推舟).

 

 

立 如 平 準 , 活 似 車 輪 。

Li ru pingzhun, huo si chelun.
« Debout comme une balance en équilibre, (mais) mobiles comme une roue. »

 

Remarques : La balance et ses deux plateaux symbolisent les deux lutteurs en contact. Le fléau vertical de la balance, bien qu’en équilibre, peut à tous moments tourner sur son axe, telle une roue.

Dès que l’on pousse une roue, elle se meut, roulant à la vitesse à laquelle on l’a poussée.

Et cette image de la roue qui tourne peut faire songer à une autre... celle du retour de manivelle.

 

 

偏 沉 則 隨 , 雙 重 則 滯 。

Pianchen ze sui, shuangzhong ze zhi.
(Si la balance) penche d’un côté alors (je) suis (ce mouvement), (si l’on reste tel) deux poids (lourds) alors (nous sommes) bloqués. »


Remarques : Les deux phrases précédentes, composées de 8 caractères chacune, sont liées.

L’image est la suivante, si on place 500 g dans chaque plateau d’une balance. Cette dernière reste en équilibre. Puis, si subitement on ajoute 999 livres d’un côté, le fléau tourne immédiatement sur son axe et le plateau tombe avec fracas.

En revanche, si, pour compenser, on ajoute aussitôt 999 livres sur l’autre plateau, la balance conserve son équilibre. Les « Deux poids » (Shuangzhong) s’annihilent.

 

 

每 見 數 年 純 功 , 不 能 運 化 者 , 率 皆 自 為 人 制 , 雙 重 之 病 未 悟 耳 。

Mei jian shunian chungong, buneng yunhua zhe, shuai jie zi wei ren zhi, shuangzhong zhi bing wei wu er.
« Lorsque (l'on) voit (quelqu'un qui pratique depuis de) longues années, (qu'il) ne peut transformer (l’attaque), (qu’il) se laisse dominer par l'adversaire, (c'est qu'il) n'a pas compris (ce) défaut des deux poids (lourds). »

 

Remarques : Il faut d’abord céder, pour ensuite contraindre. Lorsque deux débutants s’affrontent, on croirait voir deux jeunes taureaux.

 

 

欲 避 此 病 , 須 知 陰 陽 ﹕ 黏 即 是 走 , 走 即 是 黏 ; 陰 不 離 陽 , 陽 不 離 陰 ; 陰 陽 相 濟 , 方 為 懂 勁 。

Yu bi ci bing, xu zhi Yinyang : nian jishi zou, zou jishi nian ; Yin bu li Yang ; Yang bu li Yin ; Yinyang xiang ji, fang wei dongjing.

« (Si on) veut éviter ce défaut, il faut connaître (le principe du) Yin et (du) Yang : coller c’est se dérober, se dérober c’est coller ; le Yin va avec le Yang, le Yang va avec le Yin ; le Yin et le Yang se secourent l’un l’autre, (ceci est) le moyen d’acquérir la Force qui comprend. »

 

Remarque : Plus haut, l’auteur a déjà mis en parallèle : Coller (Nian) et se Dérober (Zou), dans le passage : « Il (est) dur je (suis) souple (cela) se nomme se dérober, je suis (derrière) son dos (cela) se nomme coller. »

Si l’adversaire tente de tirer, on cède en Collant (Nian) ; s’il tente de pousser, on cède en se dérobant (Zou). Les deux actions se complètent et, au bout du compte, se ressemblent, il s’agit toujours de céder souplement en restant collé...

 

 

懂 勁 後 愈 練 愈 精 , 默 識 揣 摩 ,漸 至 從 心 所 欲 。

Dongjing hou yu lian yu jing, moshi chuaimo, jian zhi congxin suoyu.
« (Avec) la Force qui comprend plus on s’exerce plus on devient subtil, cachez (ce secret et) approfondissez (le), jusqu'à (l’utiliser) progressivement à volonté. »

 

Remarques : Plus encore que leurs techniques, les experts en arts martiaux répugnaient à livrer leurs secrets biomécaniques et stratégiques qui donnent leur sens à ces techniques.
Certains de ces secrets sont aujourd’hui quasiment tombés dans l’oubli.

 

 

本 是 捨 己 從 人 , 多 誤 捨 近 求 遠 。

Ben shi sheji congren, duo wu shejin qiuyuan ».
« Il est primordial de renoncer à soi (pour) suivre l’autre, plus d’un (s’y est) trompé (en) renonçant à ce qui est près pour rechercher ce qui est loin. »

 

Remarque : Lorsque l’on veut utiliser la force de l’attaquant, on se livre parfois à des manoeuvres compliquées ; on lâche notre saisie afin d’en reprendre une autre qui nous paraît plus prometteuse ; on court après l’adversaire. Pendant ce temps, ce dernier se récupère.
La vérité est plus simple, l’autre est collé à nous, pourquoi le lâcher ? Il faut renoncer à ce qui est loin et compliqué, pour profiter de ce qui est simple et à portée de main.

 

 

所 謂 差 之 毫 釐 , 謬 之 千 里 , 學 者 不 可 不 詳 辨 焉 !

Suowei cha zhi haoli, miu zhi qian li, xuezhe buke buxiang bian yan !
« (C’est) ce qu’on appelle l’erreur d’un cheveu, (qui devient) une erreur de mille li, comment le lettré pourrait-il expliquer parfaitement (ceci) ! »

 

Remarques : L’erreur d’un cheveu (qui devient) une erreur de mille li est une paraphrase de l’expression précédente.

La simplicité et la profondeur de ce principe stratégique est une compréhension qui est au delà des mots.

 

 

是 謂 論 。

Shi wei lun.
« Ainsi se termine le traité. »

 

 


Ce texte décrit la Force qui comprend (Dongjing), lors d’une confrontation de Poussées de mains (Tuishou).
Son importance est d’autant plus grande que ce concept stratégique n’est nullement limité au Taiji Quan. Il s’applique tout autant aux Exercices de mains collantes (Nianshou), à la Lutte chinoise (Shuai jiao), à l’art des Clefs (Qinna), de la lance, du bâton, de l’épée, etc.

Et même, plus généralement, à tout affrontement stratégique...

Afin que l’on appréhende mieux la richesse des arts martiaux chinois, il faut ajouter que ce Dongjing n’est qu’un principe parmi des dizaines d’autres...
Le stratège les combine, tel un dragon qui virevolte à la surprise de tous.


© Traduction Thomas Dufresne, Jacques Nguyên, 2007.
Tous droits réservés.

28 novembre 2006

La Porte centrale

Chacun conviendra que pour franchir le seuil d’une porte (Men 門), il est préférable que cette dernière soit ouverte...

C’est pourquoi l’un des premiers objectifs du stratège est d’Ouvrir une porte (Kaimen 開門), afin que son attaque puisse s’y engouffrer.

Mais, quelle porte choisir ?

Traditionnellement, l’entrée principale est la « Porte centrale » (Zhongmen 中門).

Où se trouve cette Porte centrale ?

Sur la Ligne centrale (Zhongxin xian 中心線).

La Ligne centrale est une ligne droite qui passe par les sternums des deux combattants. Elle représente à la fois leur principale ligne d’attaque et leur principale ligne de défense. Car, on le sait, le plus court chemin d’un point à un autre est la ligne droite.

C’est en empruntant cette ligne que les attaques sont les plus fulgurantes et c’est en la contrôlant que la défense devient la plus impénétrable. Dès lors, on comprend avec quel soin le combattant se doit de surveiller ce passage.

La théorie se complique quelque peu, lorsque l’expert se glisse sur le côté pour contre-attaquer. Puisqu’il change brusquement la direction de sa Ligne centrale. Du coup, il devient difficile pour son adversaire de contrôler cette nouvelle Ligne centrale.


Les généraux Qi Jiguang 戚繼光 (1528-1588) et Yu Dayou 俞大猷 (1503-1579) distinguaient, dans leurs écrits, la Grande porte (Damen 大門) de la Petite porte (Xiaomen 小門).
La première se trouve à l’intérieur (c’est-à-dire entre les deux bras) et la deuxième à l’extérieur (c’est-à-dire à l’extérieur du bras le plus avancé).


Alors, quand faut-il entrer par la Grande porte et quand faut-il lui préférer la Petite porte ?

Le Shaolin Quan 少林拳 de la famille Liang 梁 conseille : « Si l’on est en infériorité on passe par la porte latérale, si l’on est en supériorité on entre par le palais central » (Li ruo cai bianmen, li qiang jin zhonggong 力弱踩邊門,力強進中宮).

Ces concepts de Porte et de Ligne centrale, de Grande et de Petite porte sont fondamentaux dans les arts martiaux chinois. Ils éclairent les techniques du Tanglang Quan 螳螂拳, Taiji Quan 太極拳, Tongbei Quan 通背拳, Xingyi Quan 形意拳, Shaolin Quan 少林拳, Yong Chun 詠春, Hongjia 洪家, Baihe 白鶴, Baimei 白眉, lance, épée, bâton à une tête, etc.