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28 février 2010

Nouvelles découvertes sur le Taiji Quan

 

En 2003, a été retrouvé le « Livre de la famille Li » (李氏家譜) qui a été rédigé par Li Yuanshan (李元善, 1642-?) en 1716. Ce texte éclaire d'un jour nouveau l'histoire du Taiji Quan. L'historien Wang Xingya (王興亞, né en 1936) l'a particulièrement étudié. On y apprend que la famille Li et celle de Chen Wangting (陳王庭), l'ancêtre de la lignée du Taiji Quan, étaient parentes.

Tout commence avec Li Chunmao (李春茂, 1568-1666) qui a étudié la boxe, l'épée, la lance, l'arc, la stratégie militaire et la religion avec Bogong Wudao (博公武道), au monastère Qianzai (千載寺) du village Tang (唐村) dans le district de Bo'ai (博愛縣) de la province du Henan (河南). Cette localité se situe à une vingtaine de kilomètres à vol d'oiseau de Chenjia Gou, le village de la famille Chen. Quant au monastère, il pratiquait une synthèse du bouddhisme, du taoïsme et du confucianisme. Dans la salle Taiji (太極宮) du monastère, Li Chunmao a appris « l'Exercice de santé du Wuji » (Wuji Yangsheng Gong, 無極養生功) et les « Treize techniques de boxe » (十三勢拳). Li Chunmao a d'ailleurs composé, en 1590, le Wuji Yangsheng Quanlun (無極養生拳論) et le Shisan Shi Xinggong Ge (十三勢行功歌). Or, le contenu de ce dernier traité est proche du Shisan Shi Xinggong Ge qui est attribué à Wang Zongyue (王宗嶽).

Les deux fils de Li Chunmao : Li Zhong (李仲, 1598-1689) et Li Xin (李信, 1606-1644), ainsi que le neveu de Li Chunmao : Chen Wangting se sont eux aussi adonnés à cet art en ce même monastère. Ils ont créé le Taiji Yangsheng Gong (太極養生功). Li Zhong était le père de Li Yuanshan dont nous avons parlé au début de cet article. Quant à Li Xin, connu également sous le nom de Li Yan (李岩), il fut l'un des généraux de Li Zicheng (李自成, 1606-1645) qui mis fin au règne de Chongzhen (崇禎, 1611-1644) le dernier empereur de la dynastie des Ming (明朝).

En 2002, Yi Fan (亦凡) avait déjà retrouvé au village Tang, un exemplaire du Taiji Quan lun (太極拳論) daté de décembre 1786 et signé de Li Helin (李鶴林, 1716-1808), l'arrière-petit-fils de Li Chunmao. Le texte est quasiment le même que le Taiji Quan lun attribué à Wang Zongyue. Li Helin a d'ailleurs écrit à la même époque le Dashou Ge (打手歌). Et l'on sait que le Dashou Ge est un autre traité de Taiji Quan attribué à Wang Zongyue.

Or, à l'entrée de la maison de Li Helin existait une plaque qui a été brûlée lors de la Révolution culturelle (1966-1976). On y lisait : « L'excellence de (l'art) martial » (武元傑第), la plaque était signée : « (Votre) élève Wang Zongyue » (門弟王宗嶽) et datée de 1793 (乾隆五十八年).

Rappelons que les traités de Taiji Quan de Wang Zongyue, ont été trouvés, en 1852, par le frère de Wu Yuxiang, dans une boutique de sel du district de Wuyang (舞阳县). Or, le fils de Li Helin, Li Yongda (李永達) tenait une boutique de sel à Wuyang.

Ces faits nouveaux permettent de mieux dessiner la genèse du Taiji Quan, nous y reviendrons dans les jours prochains...

 

 

04 avril 2009

Quelques nouvelles réflexions sur l’origine du Taiji Quan

Avant de prendre connaissance du texte qui suit, il est conseillé de relire celui du 14 décembre 2006 intitulé :

L’origine du Taiji Quan et son rapport avec le Shaolin Quan

Rappelons simplement que certaines caractéristiques de l'enchaînement Xinyiquan (心 意 拳) de la famille Jia (賈) ressemblent tant au Taiji Quan (太 極 拳) qu'ils ont clairement une origine commune. Reste à déterminer le lien exact de parenté...

En 2007, dans un jardin public, alors que nous montrions à l’un de nos élèves ce Xinyiquan, un professeur chinois d’arts martiaux, Zhang Aijun (張 愛 軍), nous a abordé.

Il était étonné que nous connaissions cet enchaînement qu’il avait lui-même appris dans la province du Henan (河 南) auprès de Jia Zhaoxuan (賈 召 宣).

Plus tard autour d'un verre, nous avons poursuivi cette discussion.


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Le site de Zhang Aijun
(http://www.zhaobao.fr/index.html)


Zhang Aijun nous a dit qu’il connaissait cet enchaînement sous le nom de Xiequan (斜 拳 Boxe en oblique) et qu’il était pratiqué à Zhengzhou (鄭 州) et dans ses environs. Zhengzhou est une grande ville à une cinquantaine de kilomètres au Nord-Est de Shaolin, à une quarantaine de kilomètres à l’Est du village des Chen (陳 家 句) et du bourg de Zhaobao (趙 堡 鎮).

Nous-mêmes avons remarqué que Jia Songan (賈 松 安), petit-fils de Jia Zhaoxuan, enseigne actuellement cet enchaînement à Kaifeng (開 封) et à Jiazhai (賈 寨) sous le nom de Shaolin Xiexingquan (少 林 斜 行 拳) ou encore : « Xiexingquan de l'ancienne école de Shaolin » (少 林 古 传 心 意 邪 行 拳). Jiazhai est à une dizaine de kilomètres de Zhengzhou. On peut voir Jia Songan exécuter une partie de cet enchaînement sur : http://www.56.com/u39/v_MTI1MDIzNjQ.html et sur http://www.56.com/u14/v_MTc2OTUzMDc.html.


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Jia Songan dans la posture du « Coq d'or qui se dresse sur une patte »
(金 雞 獨 立)
(http://shaolinwushuyuan.51.net/gg/sdmpzs.htm)


Zhang Aijun nous a confié que c'est Jia Zhaoxuan de Jiazhai qui en 1984, au moment de la publication du livre Shaolin Wushu (少 林 武 術), aurait rebaptisé l'enchaînement Xiequan en Xinyiquan et l’aurait attribué à sa famille sans raison fondée.


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Le livre Shaolin wushu paru en 1984


Son descendant Jia Songan semble quant à lui réserver le nom de Xinyi Quan (心 意 拳) à son style en général. Xinyi est d'ailleurs un terme classique de Shaolin Quan (la « Boxe de Shaolin » 少 林 拳). Xinyi Quan est par exemple le nom de la boxe de Shaolin du style Yue (岳) ou le nom de celle des élèves de Wu Shanlin (吴 山 林 1875-1970) ; sans parler des enchaînements Changhu xinyimen (長 護 心 意 門) et Xinyiba (心 意 把) du Shaolin Quan.

Zhang Aijun a cité deux autres professeurs, décédés aujourd'hui, qui enseignaient le Xiequan. Ce sont Zhang Rulin (張 儒 林) de Xingyang (滎 陽), à une vingtaine de kilomètres de Zhengzhou, et Li Xinfa (李 新 發) de Zheng Zhou. Une recherche sur Internet montre que cet enchaînement Xiequan est particulièrement rare, puisqu'il est quasiment absent de la « toile ».

Nous avons demandé à Zhang Aijun si l'enchaînement Xiequan différait selon les professeurs qu’il a rencontré. Il nous a répondu qu’il était à chaque fois assez semblable.
Cette parenté est vraisemblablement le signe que tous ces pratiquants descendent d’un même professeur récent.
Mais, d’où ce professeur tenait-il lui-même ce Xiequan ?

Notons que cet enchaînement est parfois enseigné par des pratiquants de Changshi Wuji (萇 氏 武 技) (une boxe, très répandue dans les alentours, se réclamant de Chang Naizhou 萇 乃 周 1724-1783). Toutefois, nous ne croyons pas que cela soit son origine. En effet, les techniques du Xiequan sont assez éloignées de celles du Changshi Wuji qui sont particulièrement caractéristiques.


Trois hypothèses sont possibles

1) Cet enchaînement descend récemment du Taiji Quan ;
2) Il descend d’un ancêtre du Taiji Quan ;
3) Le Taiji Quan descend de l’ancêtre de cet enchaînement.

Etudions tout cela...

Comme nous l’avons déjà dit, dans ce Xiequan, on trouve la même structure et le même ordre des techniques que dans l'enchaînement du Taiji Quan (le « Premier enchaînement » 第 一 路 du style Chen). Toutefois, le coup de poing et ses répétitions y sont absents, comme dans le style Zhaobao du Taiji Quan.


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Coup de poing (掩 手 肱 捶) de la famille Chen


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Coup de poing (搬 攔 捶) de la famille Yang


Si ce coup de poing a été ajouté dans le Taiji Quan, après sa séparation avec le Xiequan, cet ajout est forcément ancien. Car ce coup de poing se trouve déjà dans le Chenshi quan xie pu (le « Recueil de la boxe et des armes du style Chen » 陳 氏 拳 械 普), un manuscrit qui conserve les anciennes listes d’enchaînements du style Chen du Taiji Quan.

Par conséquent ce Xiequan est un parent proche soit du Zhaobao, soit du style Chen tel qu’il était pratiqué anciennement.

Si l'on dresse la liste des noms de techniques communs à la fois au Shaolin Quan, au Xiequan et au Taiji Quan, on obtient plus d'une vingtaine de noms :

Ao 拗,
Bai he liang xi 白 鶴 晾 翅,
Bai she tu xin 白 蛇 吐 信,
Da hu 打虎,
Danbian 單 鞭,
Erqi jiao 二 起 腳,
Gao tan ma 高 探 馬,
Hui tou wang yue 回 頭 望 月,
Jingang dao dui 金 剛 搗 碓,
Jinji du li 金 雞 獨 立,
Kua hu 跨 虎,
Lianhuan chui 連 環 捶 / Lianhuan pao 連 環 炮,
Long chu hai 龍 出 海 / Long chu shui 龍 出 水,
Qian hou 前 后,
Qixing 七星,
Shi zi jiao 十 字 脚,
Shi zi shou 十 字 手,
Tongbei 通 背,
Wangong she hu 彎 弓 射 虎,
Xie xing 斜 行,
Ye ma fen zong 野 馬 分 鬃,
Yuanhou xian guo 猿 猴 献 果,
Yunding 雲 頂 / Baiyun gai ding 白 雲 蓋 頂,
Yunü 玉 女,
etc.

On peut relever quantité d’autres traits qui ne sont communs qu’au Shaolin Quan et au Xiequan (noms de techniques, manière d’exécuter les mouvements).
Ces caractéristiques sont un peu comme des gènes qui témoignent de l'hérédité...
La parenté entre le Xiequan et le Shaolin Quan est donc évidente.

Si le Xiequan descendait récemment du Taiji Quan, cela voudrait dire que ce dernier aurait perdu toutes ces caractéristiques ensuite ?
Plus exactement, cela signifierait que tous les styles de Taiji Quan (Chen, Zhaobao, Yang 楊, etc.) auraient perdu ces particularités récemment et en même temps.
Cela semble bien improbable.

Ajoutons que les traits propres au Taiji Quan, ceux que l'on ne retrouvent pas dans le Shaolin Quan (le début de l'enchaînement où l'on avance vers l'avant et non sur le côté et le rythme lent en général), ne se retrouvent pas non plus dans le Xiequan.

Au vu de tous ces éléments, il est plus probable que le Xiequan descende d’un lointain ancêtre du Taiji Quan, ancêtre datant d’avant la séparation des styles Zhaobao, Chen et Yang.

Et comme ce lointain ancêtre, commun au Taiji Quan et au Xiequan, avait une tournure bien plus Shaolin que les Taiji Quan actuels, on peut se demander s’il n’était pas tout simplement un enchaînement de Shaolin Quan...